Entretien avec avec la metteuse en scène Nathalie Béasse, autour de sa pièce "Nous revivrons"
Suite aux représentations du spectacle Nous revivrons sur la scène du Théâtre Universitaire du 3 au 6 octobre 2023, la metteuse en scène Nathalie Béasse a dialogué avec les étudiantes et étudiants du Master Arts, Lettres et Civilisations de Nantes Université. Eva Bizeul, Amandine Le Floch et Emma Zaccheddu, toutes trois en master ALC, nous restituent cet échange et livrent les portraits inspirants de Nathalie Béasse et du jeune acteur Soriba Dabo.
Nous Revivrons © Jean-Louis Fernandez
Nous Revivrons © Jean-Louis Fernandez
Dépasser les cadres (l'intermédialité sur scène, l'absence de coulisses)
De par son parcours, Nathalie Béasse adopte une attitude pluridisciplinaire vis-à-vis de l'art, ce qui se retrouve dans ses pièces. Ayant étudié à l'école des Beaux-Arts à Angers et ayant fait de l'art performatif en Allemagne, elle entretient un lien très fort avec les arts visuels, le cinéma, les arts performatifs, mais également la musique. Lorsqu'elle lance sa propre compagnie, Nathalie Béasse, refusant de se laisser enfermer dans des cases, allie danse, comédie, chant... Dans Nous Revivrons, cette intermédialité se retrouve notamment au travers d'une mise en scène très esthétique, avec des passages en musique, une utilisation intéressante de la peinture, et une grande importance accordée au corps, qui devient un langage propre (au travers de courses, de danses, de mouvements...)
Ce concert des arts qui prend place sur scène participe d'une volonté plus générale de dépasser les cadres. C'est ce même désir qui pousse Nathalie Béasse à toujours mettre en scène des coulisses apparentes. La frontière entre réalité et fiction devient floue, et cette technique permet également de mettre en avant l'importance des accessoires, des costumes, mais aussi des déplacements scéniques, que la metteuse en scène, avec son œil toujours très visuel, compare à des dessins.
Ce concert des arts qui prend place sur scène participe d'une volonté plus générale de dépasser les cadres. C'est ce même désir qui pousse Nathalie Béasse à toujours mettre en scène des coulisses apparentes. La frontière entre réalité et fiction devient floue, et cette technique permet également de mettre en avant l'importance des accessoires, des costumes, mais aussi des déplacements scéniques, que la metteuse en scène, avec son œil toujours très visuel, compare à des dessins.
Le rapport avec les acteurs
Lors de l'entretien, Nathalie Béasse a mis en avant sa volonté de laisser à chaque acteur la possibilité d'exprimer sa propre personnalité. La metteuse en scène affirme avoir à cœur la représentation sur scène de comédiens aux origines, aux âges et aux corps variés. Pour Nous Revivrons, elle a pu travailler avec des comédiens du programme Premier Acte lancé par Stanislas Nordey, programme qui rejoint ce désir de diversité sur le plateau. Nathalie Béasse a signifié son enthousiasme pour un jeu d'acteur marqué par le parcours propre à chaque comédien, ce qui ressort notamment lors d’un passage de Nous Revivrons où Mehmet Bozkurt, comédien d’origine kurde, s’exprime en turc. Dans son rapport aux artistes avec lesquels elle travaille, la metteuse en scène souhaite plus suggérer qu'imposer : le comédien est pour elle un « passeur » sensible. Pour les représentations de Nous Revivrons, Nathalie Béasse a dû composer avec différentes troupes, ce qui soulève différentes problématiques. Elle évoque notamment son propre travail sur la physicalité, la corporalité, dimension qui n'était pas nécessairement familière aux acteurs du programme Premier Acte. De plus, les comédiens avaient différents niveaux d'expérience.
Un théâtre des émotions
Nathalie Béasse favorise une (ou plutôt des) interprétation(s) libre(s), ce qui encourage le spectateur à regarder activement la pièce, et non de manière passive. Elle emploie l'image d'un « voyage » effectué par le public. La metteuse en scène met en avant l'importance des émotions comme premier outil d'analyse, si analyse il doit y avoir. Ce qui compte n'est pas une analyse académique des effets mis en œuvre sur scène. Nathalie Béasse souhaite que son public ressente des émotions, qui peuvent varier en fonction de la sensibilité et des expériences de chacun, ce qui conduit à des interprétations diverses. En cela, elle souhaite nous éloigner d'une manière traditionnelle et cartésienne de percevoir le théâtre et plus généralement l'art : ses spectacles n'adoptent pas une dramaturgie linéaire. Cette conception novatrice de l'art pousse parfois la metteuse en scène à expliquer sa démarche avant le début de ses pièces, afin que le public puisse mieux comprendre la nature de son projet artistique.
L'importance de l'émotion ressentie par le public fait écho aux méthodes de Nathalie Béasse lorsqu'elle crée. Elle dit ainsi procéder de manière très organique, et partir non pas avec une idée de texte précis, mais plutôt avec des images, des éléments visuels, sensibles, poétiques. Dans son choix des extraits de L'Homme des Bois, la metteuse en scène explique privilégier les passages lui procurant une émotion particulière, la touchant poétiquement, sans nécessairement qu'il y ait une explication rationnelle derrière cette réaction au texte. La metteuse en scène souhaite réaliser ce qu'elle nomme une « fresque émotionnelle ». La matière elle-même (notamment la terre que se jettent les personnages dans Nous Revivrons) devient un langage propre, et prend une portée symbolique. Ce rapport à la matière est également un rapport à la Nature, qui occupe une grande importance dans les thématiques abordées par la metteuse en scène. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles elle affectionne particulièrement l'œuvre de Tchekhov.
Cette manière organique de travailler fait aussi de ses pièces des pièces expérimentales. Pour Nous Revivrons, Nathalie Béasse compte environ dix-sept versions différentes. La rencontre avec de nouveaux comédiens, mais aussi avec de nouveaux publics (au départ, cette pièce était jouée dans des villages) amène à de nombreux changements. La metteuse en scène met en avant la dimension expérimentale de son travail, qui est mis à l'épreuve lors de chaque représentation. Dans le cas de Nous Revivrons, Nathalie Béasse souligne notamment une importante diminution du texte au fil des représentations, peut-être pour mettre l'accent sur une émotion « pure ».
L'importance de l'émotion ressentie par le public fait écho aux méthodes de Nathalie Béasse lorsqu'elle crée. Elle dit ainsi procéder de manière très organique, et partir non pas avec une idée de texte précis, mais plutôt avec des images, des éléments visuels, sensibles, poétiques. Dans son choix des extraits de L'Homme des Bois, la metteuse en scène explique privilégier les passages lui procurant une émotion particulière, la touchant poétiquement, sans nécessairement qu'il y ait une explication rationnelle derrière cette réaction au texte. La metteuse en scène souhaite réaliser ce qu'elle nomme une « fresque émotionnelle ». La matière elle-même (notamment la terre que se jettent les personnages dans Nous Revivrons) devient un langage propre, et prend une portée symbolique. Ce rapport à la matière est également un rapport à la Nature, qui occupe une grande importance dans les thématiques abordées par la metteuse en scène. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles elle affectionne particulièrement l'œuvre de Tchekhov.
Cette manière organique de travailler fait aussi de ses pièces des pièces expérimentales. Pour Nous Revivrons, Nathalie Béasse compte environ dix-sept versions différentes. La rencontre avec de nouveaux comédiens, mais aussi avec de nouveaux publics (au départ, cette pièce était jouée dans des villages) amène à de nombreux changements. La metteuse en scène met en avant la dimension expérimentale de son travail, qui est mis à l'épreuve lors de chaque représentation. Dans le cas de Nous Revivrons, Nathalie Béasse souligne notamment une importante diminution du texte au fil des représentations, peut-être pour mettre l'accent sur une émotion « pure ».
Lumière sur Soriba Dabo
Lors d'une rencontre avec Soriba Dabo faite le 19 octobre 2023 sur le plateau de répétition de la Libre Usine de Nantes pour un nouveau projet auquel il participe : Nebraska de Guillaume Bariou, nous avons eu la chance d'entendre son expérience de Nous revivrons. Son profil est particulièrement intéressant car avant d’explorer le spectacle vivant avec Premier acte, il avait accepté quelques missions de figuration pour TF1 et participé à une web série réalisée avec des amis. Or, la plupart des autres membres de la 5e promotion de ce centre de formation avait déjà une certaine expérience scénique. C’est donc immergé dans un nouvel environnement exigeant que ce jeune comédien s’est confronté à la scène en participant à des stages intensifs organisés par Stanislas Nordey, Annie Mercier (et quelques autres), tout en suivant la classe du TNS (Théâtre National de Strasbourg).
Quelque temps après cette formation, alors qu’il est absorbé par d’autres projets, Nathalie Béasse lance une audition pour sélectionner les comédiens qui joueront dans Nous revivrons. Soriba Dabo ignore qu’il participera à ce spectacle avant que l’un des comédiens, Théo Salemkour, ne se désiste pour mener un projet parallèle. La rencontre de Soriba Dabo avec Nathalie Béasse est très humaine ; celle-ci écoute sa perception des choses avant de l’inclure dans l’aventure.
Un défi s’offre à Soriba Dabo : la reprise d’un rôle est complexe. Elle suppose de s’approprier un rôle adapté à un autre en l’ajustant à sa propre singularité de comédien. À intervalles espacés, c’est d’abord seul sur scène, encadré par Nathalie Béasse et Clément Goupil, qu’il entreprend ce travail. En février, Soriba Dabo, Mehmet Bozkurt et Julie Grelet se réunissent sur le plateau. Tous issus de Premier acte, ils avaient déjà tissé des liens et l’habitude de travailler ensemble. Cette cohésion nourrie par une confiance mutuelle est visible sur scène.
Soriba Dabo nous explique que la corporéité du spectacle est le fruit d'un entraînement rigoureux. Le « corps est une matière » qui subit un « travail de purification » par la sueur, l’eau, la terre ou la peinture. Nathalie Béasse veille à ce que chaque comédien soit interconnecté avec l’autre, avec soi, avec la scène. Cela implique une évolution perpétuelle, un investissement entier de l'interprète ; il est impossible de « tricher », d’offrir une prestation « mécanique » dans ce spectacle. D’ailleurs, afin de maintenir toujours ses acteurs alertes, la metteuse en scène opère un travail minutieux consistant à leur faire des retours positifs et négatifs précis sur leur performance lors des répétitions qui se déroulent l'après-midi et propose le cas échéant des modifications à mettre en acte le soir même : le spectacle est soumis à de perpétuelles variations. Par ailleurs, les comédiens se surprennent continuellement mais cheminent ensemble sur le même parcours. La renaissance perpétuelle de l’acteur par son jeu dynamique insuffle la vie au spectateur. En ceci le titre est programmatique ; « Nous revivrons ».
Quelque temps après cette formation, alors qu’il est absorbé par d’autres projets, Nathalie Béasse lance une audition pour sélectionner les comédiens qui joueront dans Nous revivrons. Soriba Dabo ignore qu’il participera à ce spectacle avant que l’un des comédiens, Théo Salemkour, ne se désiste pour mener un projet parallèle. La rencontre de Soriba Dabo avec Nathalie Béasse est très humaine ; celle-ci écoute sa perception des choses avant de l’inclure dans l’aventure.
Un défi s’offre à Soriba Dabo : la reprise d’un rôle est complexe. Elle suppose de s’approprier un rôle adapté à un autre en l’ajustant à sa propre singularité de comédien. À intervalles espacés, c’est d’abord seul sur scène, encadré par Nathalie Béasse et Clément Goupil, qu’il entreprend ce travail. En février, Soriba Dabo, Mehmet Bozkurt et Julie Grelet se réunissent sur le plateau. Tous issus de Premier acte, ils avaient déjà tissé des liens et l’habitude de travailler ensemble. Cette cohésion nourrie par une confiance mutuelle est visible sur scène.
Soriba Dabo nous explique que la corporéité du spectacle est le fruit d'un entraînement rigoureux. Le « corps est une matière » qui subit un « travail de purification » par la sueur, l’eau, la terre ou la peinture. Nathalie Béasse veille à ce que chaque comédien soit interconnecté avec l’autre, avec soi, avec la scène. Cela implique une évolution perpétuelle, un investissement entier de l'interprète ; il est impossible de « tricher », d’offrir une prestation « mécanique » dans ce spectacle. D’ailleurs, afin de maintenir toujours ses acteurs alertes, la metteuse en scène opère un travail minutieux consistant à leur faire des retours positifs et négatifs précis sur leur performance lors des répétitions qui se déroulent l'après-midi et propose le cas échéant des modifications à mettre en acte le soir même : le spectacle est soumis à de perpétuelles variations. Par ailleurs, les comédiens se surprennent continuellement mais cheminent ensemble sur le même parcours. La renaissance perpétuelle de l’acteur par son jeu dynamique insuffle la vie au spectateur. En ceci le titre est programmatique ; « Nous revivrons ».
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Mis à jour le 20 novembre 2023.