« Des lieux et des Hommes », exposition en ligne d'étudiant·es en master CCS
Cinq étudiant·es en master Civilisations, culture et société (CCS) proposent de vous emmener aux quatre coins du monde grâce à des témoignages de proches, des souvenirs, des objets. À travers ce voyage, ils·elles explorent les liens émotionnels et subjectifs qu’entretiennent les Hommes avec les territoires.
MERCIER Lucas, ROUSSEAU Nicolas - M2 VNP
Patrick
Patrick est né en 1935 à Paris. Au cours de sa vie, il a vécu dans différents lieux, pays, villes, maisons : il est passé de la guerre en Tunisie à l’Egypte avec ses parents, puis il a étudié à Paris, et a fait son service militaire au Maroc. Neurochirurgien à l’hôpital Foch de Suresnes, il a voyagé par la suite dans le monde entier pour donner des conférences sur les dernières techniques chirurgicales liées aux opérations du cerveau. Il rencontre sa femme (Monique) très jeune dans un train, pendant des vacances à la montagne. Ils ont alors 16 ans. Une fois de retour à Paris après son service militaire, ils ont eu deux enfants : Philippe et Isabelle.
Trois lieux ont particulièrement marqué Patrick au cours de sa vie. Tout d’abord, l’hôpital Foch. Cet espace de travail représente pour lui beaucoup de choses : « La technique chirurgicale, l’ouverture aux autres, soigner les gens, aider les personnes qui sont souvent dans des moments difficiles. Ce sont les joies quand on réussit, les tristesses quand ça n’allait pas... Quand j’ai commencé, il y avait beaucoup de décès, les interventions étaient risquées ». Il retiendra également Agadir au Maroc, ville liée à son service militaire mais surtout au tremblement de terre meurtrier qui bouleverse le pays le 29 février 1960. Il en sort à la fois accablé par la catastrophe (maisons détruites, personnes écrasées, etc.) mais également ému par le dévouement magnifique duquel il a été témoin du point de vue humain. Puis, en dernier lieu il évoque la maison du Moulin : ancien moulin à eau dans la région de Saumur, où il découvre la campagne, la liberté, les joies de la famille et de la menuiserie.
Mais pour finir, il ne retiendra qu’un seul lieu, signe de « la fin de son périple », Mallièvre : village de Vendée où il s’est installé avec sa femme à la retraite, pour vivre à la campagne près de sa fille et de ses petits-enfants. Ici, « je me sens en paix et serein. »
Type d'objet : Insignes de la base aéronavale d'Agadir
Matériaux : Métal
Provenance : Agadir, Maroc
Date : 1960
« Ces insignes, nous devions les porter sur nos uniformes. Ce sont les insignes des escadrilles de la base aéronavale où j'ai fait mon service militaire obligatoire au Maroc. Moi, j’étais le médecin de la base. Dans la marine aussi, tous les bateaux ont leur insigne. Quand mon père travaillait au Canal de Suez, il m'en ramenait souvent. Certaines sont très jolies, avec de beaux dessins. »
Type d'objet : Coupure de journal
Matériaux : Papier journal
Provenance : Agadir, Maroc
Date : 1960
« Sur cette coupure de journal, on m’aperçoit au fond à gauche avec la chemise blanche en train de secourir un blessé. C’était en 1960 et j’avais 25 ans. C’était la journée d'après le tremblement de terre d'Agadir, au Maroc, j’aidais médicalement sur place. Cette nuit là, le mur de notre chambre s’est effondré et un morceau est tombé entre ma femme et moi ; nous avons eu de la chance ! Juste après le tremblement de terre, au milieu de la nuit, j’ai laissé ma femme pour aller aider à l’hôpital. J’ai récupéré des enfants morts sous les décombres. Pendant six mois, ça sentait encore la mort et la pourriture dans les rues d'Agadir. Il y a eu 20 000 morts. »
Type d'objet : Statuette de Saint Livertin / Plaque à gravure
Matériaux : Plâtre / Cuivre et bois
Provenance : Bretagne / Inconnue
Date : Inconnue / inconnue
« Ces deux objets me rappellent l'hôpital, mon lieu de travail. La statuette en plâtre représente St Livertin ; c’est mon prédécesseur en neurochirurgie qui avait découvert ce saint en Bretagne. La légende dit qu’on lui avait coupé la tête, qu’il l’aurait reprise et reposée sur ses épaules. Pour nous, c’était le patron de la neurochirurgie ! Le deuxième objet, je l'ai trouvé par hasard chez un antiquaire. Je suppose qu’il servait à graver. Il représente un crâne avec le cerveau et la moelle épinière. Je l’avais sur mon bureau à l’hôpital Foch. »
Type d'objet : Aquarelle du Moulin peinte par Patrick
Matériaux : Papier à aquarelle
Provenance : Linières-Bouton
Date : Août 1984
« Ce tableau est une aquarelle que j’ai peinte à la maison du Moulin en 1984. On peut y voir Monique, ma femme, assise sous le auvent. Elle porte une chemise bleue, sa couleur préférée. On peut y voir certains arbres que mon père a plantés, le petit jardin d'hiver, les fenêtres des chambres qui donnent sur la rivière... »
Type d'objet : Pomme de pin
Matériaux : Bois
Provenance : Linières-Bouton
Date : 1972
« Cette pomme de pin vient également de la maison du Moulin. Elle est tombée d'un grand épicéa qui se trouvait près de la prairie et qui a été planté par mon père. Je me souviens qu'au printemps, les branches du bas étaient cassées car les cerfs, qui vivaient dans la forêt, venaient frotter leurs bois sur le tronc. »
Visages et frontières : les cartes d'Ed Fairburn
« […] L’homme n’est pas un objet neutre à l’intérieur de la région […] Il perçoit inégalement l’espace qui l’entoure, il porte des jugements sur les lieux, il est retenu ou attiré, consciemment ou inconsciemment, il se trompe et le trompe… »
L’espace est donc considéré comme « vécu » dans le sens où il est « vu, perçu, ressenti, aimé ou rejeté, modelé par les hommes et [qu’il projette] sur eux des images qui les modèlent. C’est un réfléchi. Redécouvrir la région (l’espace – ndlr) c’est donc chercher à la saisir là où elle existe, vue des hommes. »
Armand Frémont
L'artiste britannique Ed Fairburn utilise des cartes comme toiles pour ses portraits étonnants à l'encre, au crayon et au stylo. Les visages sont fragmentés par des contours qui, non seulement délimitent les frontières, les routes et les caractéristiques géographiques de chaque carte, mais symbolisent veines et textures de peau.
Patricia
Patricia est née en 1963 à Longeville-lès-Metz, elle a souvent déménagé dans sa petite enfance avant de s’installer dans la région parisienne avec ses parents. Elle a fait ses études à Paris pour devenir professeur d’histoire géographie. Son métier l’a amenée à travailler dans des lycées français à l’étranger en Côte D’ivoire, au Liban, en Autriche et enfin au Sénégal. Elle a donc passé vingt ans de sa vie à l’étranger avant de revenir en France et y aura eu deux enfants, Ariane à Abidjan en 1997 puis Léo-Paul à Beyrouth en 2004.
Impossible pour elle de ne retenir que trois lieux significatifs, elle retient cinq grandes villes : Paris, Abidjan, Beyrouth, Vienne et Dakar. À Abidjan, elle a vécu pour la première fois de sa vie au bord de l’océan, ce qu’elle a trouvé magnifique. C’est aussi là-bas qu’elle a eu son premier enfant en 1997. À Beyrouth, elle s’est retrouvée à un carrefour culturel entre Orient et Occident. Elle a beaucoup appris dans cette ville, notamment à être moins européocentriste. Elle y a eu son second enfant en 2004. Après un passage éclair de trois ans à Bordeaux, entre 2006 et 2009, elle est partie travailler au lycée français de Vienne où elle est restée cinq ans. Avant de s’y installer elle avait un lien fantasmé avec cette ville puisque son arrière-grand-mère, qu’elle n’a pas connue, y avait travaillé dans une famille issue de l’aristocratie autrichienne quand elle était jeune fille. D’autre part, cette ville l’attirait car le monde germanique lui était complètement étranger autant sur le plan linguistique que culturelle. Elle a été très impressionnée par la richesse culturelle de cette ville et dit de Vienne que c’est « la ville de sa vie rêvée ». Enfin, elle a emménagé à Dakar en 2014. Cette expérience a été plus difficile mais elle y a fait de belles rencontres.
Cet ensemble de lieux l’a construite, lui a donné de grandes capacités d’adaptation et de compréhension mais finalement, c’est tout de même à Paris qu’elle se sent le plus appartenir car elle y retrouve encore aujourd’hui ses repères. C’est la ville où elle s’est construite et est devenue adulte. Elle dit de Paris que c’est le point de départ du reste de sa vie.
Type d'objet : Bagues en or
Matériaux : Or et grenat
Provenance : Paris
Date : Reçues en 1983
« Ces bagues sont des cadeaux offerts par ma grand-mère et mon père l’année de mes 20 ans lorsque je faisais mes études à Paris. Ce sont les seuls bijoux que je porte tous les jours depuis plus de 35 ans. J’ai choisi de présenter ces deux bagues comme symboles de mon passage à l’âge adulte. Ma grand-mère m’avait offert la première bague (que l’on voit sur la gauche) à l’occasion de l’obtention de ma licence d’Histoire à la Sorbonne. La seconde bague (à droite sur la photo) m’a été offerte par mon père cette même année, c’est le seul cadeau qu’il ait choisi pour moi lui-même. »
Type d’objet : Masque africain
Matériaux : bois de teck
Provenance : Bouake, Côte d’Ivoire
Date : Acheté à des particuliers en 1989
« J’ai acheté ce masque chez des gens que j’ai rencontrés dans un village près de Bouake en Côte d’Ivoire. J’avais vu des centaines de masques sur les marchés mais j’ai eu un coup de foudre pour celui-ci. Cet achat m’a rendu très fière car je l’ai trouvé par hasard et je l’ai négocié seule. J’ai été invité par ces gens chez eux pour voir leur masque, nous avons négocié paisiblement dans la cour de leur maison et j’en garde un beau souvenir. Ce masque m’a suivi dans tous mes déménagements ces trente dernières années. »
Type d’objet : Veste verte réversible
Matériaux : Velours et brocart
Provenance : Balbek, Liban
Date : Achetée en 2000
Type d’objet : Boules de Noël peintes
Matériaux : Papier mâché
Provenance : Marché de noël de Schönbrunn, Vienne Autriche
Date : Achetée en 2012
« À Vienne, l’hiver est long et rude et les lumières des marchés de Noël, au mois de décembre, sont des lieux de sociabilité et permettent de présenter de très jolies décorations de Noël faites “main”. J’ai acheté ces boules de Noël peintes à la main dans le plus beau marché de Noël de Vienne dans la cour du château de Schönbrunn, le petit Versailles des Viennois. Elles me rappellent les beaux Noëls que j’ai passés en Autriche et m’apportent, quand je les regarde, un bonheur simple et tranquille. »
Type d’objet : Livre Sénégal : Cuisine Intime et Gourmande, Youssou N’Dour
Matériaux : Papier
Provenance : Vienne, Autriche
Date : Offert comme cadeau de départ en juin 2014
« Ce livre m’a été offert par mes collègues du lycée français de Vienne à l’occasion de mon pot de départ. C’était une belle préparation au voyage et une manière pour mes collègues, et amis, de m’accompagner vers ma nouvelle destination. Lire ce livre a été une première étape avant de découvrir les saveurs du Thiéboudienne : un plat unique typiquement sénégalais à base de riz cassé servi du Thiof (un poisson sénégalais), un coquillage très odorant (le yett), des légumes, du piment et de l’huile d’arachide. Mon plat sénégalais préféré ! »
Elise Olmedo
Dans le cadre de son master Géographie à l’Université Paris 1 Sorbonne, Elise Olmedo a vécu plusieurs mois à Marrakech. Elle y a mené des recherches en lien avec l’écriture de son mémoire. Elle s’est rapprochée plus particulièrement de Naïma, une femme analphabète d’une cinquantaine d’années. Issue d’une famille pauvre, elle vit dans le quartier populaire de Sidi Youssef Ben Ali avec ses quatre enfants et son mari. En la suivant dans sa vie quotidienne et lors de ses déplacements dans l’espace domestique et dans la ville, Elise Olmedo s’est lancée dans la création de ce qu’elle appelle une « carte sensible ». Une représentation de la valeur affective que Naïma accorde aux lieux, d’un point de vue de l’échelle, les lieux ne sont donc pas localisés à leur place réelle. En réalisant ce travail, elle s’est rendu compte que la cartographie classique ne rendait absolument pas hommage à la richesse et à la subtilité de ses pratiques spatiales. Il fallait donc trouver un mode de représentation plus libre, capable d’exprimer l’affect et la perception des espaces familiers que Naïma fréquente. La couture traditionnelle étant une activité structurante de la vie de Naïma, la géographe a choisi de réaliser une carte textile. Ensemble, elles ont choisi de diviser la carte en 2 pôles, d’une part l’espace domestique de son quartier réalisé dans un tissu peu coûteux et de l’autre côté le pôle travail réalisé, lui, dans un tissu onéreux.
Anne
Anne est née en 1998 à Tahiti en Polynésie française, d’une mère mangarévienne et d’un père vendéen. Elle a grandi à Faa’a, sur un versant de l’île très urbanisé et occidentalisé. Anne passe son enfance et sa jeunesse sur son île, dont elle connaît presque tous les recoins, et n’en sort que pour rejoindre Mo’orea, l’île sœur de Tahiti, située à 17 km, dans les îles du vent qui, avec les îles sous le vent, composent l’archipel de la société « Tōtaiete mā » en tahitien.
De ces deux îles, elle retient cinq lieux. Elle évoque avec beaucoup de tendresse les moments de joies, de partage et de bien-être qu’elle a vécus dans la vallée de la Papenoo et à la pointe de Vénus à Mahina. Le temps semblait sans importance alors qu’elle participait au vivre ensemble polynésien, que ce soit au bord de la rivière, au lagon ou dans la forêt tropicale. Très attachée à son héritage familial, Anne a pour madeleine de Proust, le marché de Faa’a, lieu ou ses metua, parents et grands-parents ont travaillé. Elle y retrouve un microcosme de la Polynésie, qui la ramène à ses racines : le parfum des fleurs et leurs couleurs, les odeurs du terroir, et le brouhaha des passants se mêlant aux sonorités du ukulélé. À l’adolescence, elle a cultivé son intérêt pour les traditions et l’artisanat local : tresser le pandanus, confectionner des couronnes d’auti et de bougainvilliers, fabriquer des colliers de fleurs de tiaré, de tipanié, de pitaté… Toutes ces activités transmises par les aînés ont pris place au bord du lagon d’Ha’apiti, face à de grands horizons.
En 2018, elle quitte le Pacifique et part à l’aventure à San Francisco. C’est en son sein qu’elle découvre alors l’effervescence cosmopolite d’une ville américaine. Entre les grands espaces, la fourmilière humaine, et la profusion de boutiques, restaurants et scènes culturelles des quatre coins du monde, Anne se retrouve fascinée par tous ces mélanges. Ainsi s’ouvrent de nombreuses portes, dont celles des possibles, pour un futur jalonné de nouveaux lieux et de nouvelles cultures.
Type d'objet : Couronne de fleurs "Hei" en reo tahiti
Matériaux : Feuilles de pandanus, feuilles d'auti, fleurs de bougainvillier, fleurs de pitaté, raphia naturel
Provenance : Tahiti, archipel de la société
Date : Confectionnée en janvier 2016
« C'est une amie qui m'a tressé cette couronne, et me l'a offerte à l'occasion de la fête de mes 18 ans. Nous étions parties au Mont Marau dans les hauteurs de Faa'a pour récolter les plantes. J'ai tenu à la sécher pour la conserver car ce fut marquant d'atteindre la majorité. »
Type d’objet : Collier d'oursins
Matériaux : Cordes tressées, oursins crayon (Heterocentrotus mammillatus)
Provenance : Marché de Rikitea, Mangareva, archipel des Gambiers
Date : Reçu en janvier 2012
« Ce collier m’a été offert par ma grand-mère quand elle est revenue d’un voyage sur l’île où elle a grandi. Le geste m’a infiniment touchée bien sûr, mais en plus, il s’agit d’une fabrication artisanale avec des oursins pêchés dans l’archipel des Tuamotu, et le tout a été composé à la main sur Rikitea. »
Type d’objet : Tifaifai (couvre-lit) motif hibiscus
Matériaux : Tissu
Provenance : Marché de Faa'a, Tahiti, archipel de la société
Date : Acheté en 2004
« J’adore les tifaifai, et tout particulièrement celui-ci. C’est vraiment un emblème de la Polynésie toute entière, avec un savoir-faire de couturière que je n’ai pas (rire), et toutes sortes de motifs et de couleurs différentes pour chaque création. »
Type d’objet : Hine magazines n°7 et n°24
Matériaux : Papier
Provenance : Tahiti, archipel de la société
Date : n°7 reçu en juin, n°24 reçu en novembre
« C’était une grande fierté de faire la première page de ce magazine à deux reprises. C’était aussi de belles rencontres professionnelles avec les maquilleuses, les photographes, les autres mannequins, ce qui a beaucoup enrichi mon parcours. »
Les géographies émotionnelles
Les géographies émotionnelles sont le fruit du travail de géographes anglophones tels Anderson, Smith, Davidson et Miligan à l’aube du XXIème siècle. Cette élaboration s’intéresse à la dimension intrinsèquement émotionnelle de nos rapports aux lieux, et plus largement de notre rapport au monde.
« Ces géographes s’intéressent notamment aux lieux où se manifestent les émotions extraordinaires ou ordinaires, à la manière dont les émotions sont produites, à l’interaction des sociétés et de leur environnement, à la façon dont celles-ci s’incarnent dans des espaces ou bien encore à la dimension émotionnelle des représentations spatiales. Cet "emotional turn" est donc né d’une volonté de mettre en lumière les processus de différenciation spatiale que les émotions produisent et la manière dont celles-ci sont vécues différemment selon les espaces dans lesquels elles s’incarnent et selon les groupes de populations qu’elles concernent. Dans cette perspective, il s’agit alors de se demander dans quelle mesure celles-ci participent à la construction des identités tant individuelles que collectives, et quelles sont les implications spatiales de tels processus. De fait, si les émotions peuvent être collectives, elles sont aussi spatialisées, matérialisées que ce soit dans des lieux, des temps ou des corps. »
Zoom sur Tahiti et Moorea, au centre de l'océan Pacifique
Marine
Marine a commencé en 2019, à 20 ans, une année de fac à Pau qu’elle n’a pas validée, certainement car elle se sentait trop loin de chez elle, n’étant pas le profil de personne à apprécier réellement la solitude. Après avoir essayé l’aromathérapie, elle suit désormais un BTS diététique à distance. Choisir trois lieux qui ont marqué son existence a été simple.
En premier lieu, la maison de ses grands-parents au Portugal. Des bons souvenirs de sa jeunesse y sont rattachés, ayant passé beaucoup de temps là-bas lors de cette période. Elle aime le pays, la culture. Tout cela donne au Portugal une place toute particulière dans la vie de Marine. Elle s’y était d’ailleurs faite des amis étant petite, amitiés qui se sont effacées au fil du temps par rapport à la barrière de la langue. De la maison familiale au Portugal, Marine retient la sensation des draps dans lesquels elle dormait et l’odeur de la lavande cultivée à proximité. Elle se rappelle aussi du hennissement de l’âne qui l’amusait quand elle était petite et de la voix des personnes âgées qui ne sont plus là aujourd’hui. Ensuite, Marine pense aux bords de l’Ardanavy à Urcuit dans le Pays Basque où elle allait jouer avec sa sœur. Malheureusement, situé loin de son domicile actuel, elle n’a plus l’occasion d’y retourner. Enfin, elle considère que l’école du Petit Prince à Isturitz a joué un rôle important dans la construction de son identité. C'est à cette période-là qu’elle a rencontré ses meilleurs amis. Alors que Marine se décrit comme une enfant effacée avant cette période, dans ce lieu elle a appris à surmonter sa timidité et a réellement construit sa personnalité.
Dans son avenir, Marine s’imagine vivre au Pays Basque. Elle a déjà eu l’occasion de voir des grandes villes, telle que Bordeaux, mais cela ne lui a pas plu. Dans le Pays Basque, qui abrite les souvenirs de son enfance, Marine se sent vraiment elle-même.
Type d’objet : Pomme de pin
Matériau : Bois
Provenance : France, Pyrénées Atlantiques, Ardanavy
Date : 21ème siècle
« J’ai ramassé cette pomme de pin sur les bords de l’Ardanavy, elle représente l’attachement que j’ai par rapport à ce lieu, et tous les moments passés en famille là-bas. »
Type d’objet : Sachet de dragées aux chocolat
Matériau : Plastique
Provenance : Portugal
Date : 21ème siècle
« Ce paquet de bonbons au chocolat vient du Portugal, ou dès toute petite j’en mangeais. Cela m’évoque les souvenirs d’enfance qui y sont rattachés, et c’est pour cela que je garde ce sachet en souvenir. »
Type d’objet : Stylo bille
Matériau : Plastique
Provenance : France, Pyrénées Atlantiques, Ardanavy
Date : 21ème siècle
« Je garde ce stylo depuis mon enfance, c'est celui que j'avais en école primaire. Je l'ai encore aujourd'hui, en souvenir des amitiés et des rencontres que j'ai pu y faire. »
Identité et rapport au territoire
« C’est pourquoi le concept d’identité est ambivalent en géographie et son utilisation parfois abusive, voire même sujette à des dérives. En particulier, elle comporte pour risque d’assigner par glissement l’identité désignée des territoires aux individus qui composent ce territoire comme s’ils constituaient une communauté. Or pourquoi les identités collectives ou sociales coïncideraient-elles nécessairement avec des entités géographiques ? »
Guérin-Pace, France, et Yves Guermond. « Identité et rapport au territoire », L’Espace géographique, vol. tome 35, no. 4, 2006, pp. 289-290.
Willy
Willy se dit citoyen du monde mais avant tout citoyen franco-gabonais. Il ne saurait faire un choix entre tous les lieux qui l’ont porté et qu’ils portent toujours dans son cœur. Sa ville natale, celle de son adolescence et celle de sa vie d’adulte, l’ont construit et ont participé à définir l’homme qu’il est aujourd’hui.
Il est né au Gabon, un pays au bord de l’océan Atlantique qui abrite une faune et une flore qui peignent ce pays de mille couleurs. Il a principalement passé son enfance à Moabi, un village dans le sud du Gabon. Il se souvient encore de la chaleur des bras de sa grand-mère, celle du feu de bois qui contrastait avec la fraîcheur des nuits. Le souvenir d’un subtil mélange entre le chaud et le froid qui lui décroche encore un sourire. Adolescent, il a vécu à Libreville dont il garde un souvenir vibrant : la musique provenant des bars et des lieux de cultes, le parfum des épices dans les marchés, la chaleur du sable sur les plages, le goût des plats cuisinés des commerçants ambulants et les vêtements colorés des passants. Au Gabon, il a vécu des histoires qui l’ont nourri et l’ont fait grandir, de bonnes et de mauvaises expériences dont il aimerait toujours se souvenir pour ne pas oublier d’où il vient. Un peu par hasard, Willy arrive finalement à la Roche-Sur-Yon où il rencontrera celle qui est aujourd’hui son épouse et la mère de ses enfants, deux garçons. Il décrit La Roche-Sur-Yon comme l’opposé de Libreville. Au lieu de forte musique, un silence et un calme serein ; les odeurs douces et chaleureuses de brioches fraîchement sorties du four du boulanger, le froid des barres dans le métro et le tramway, le goût doux et boisé de la Trouspinette, l’apéritif typique vendéen ; et enfin à défaut des vêtements colorés, la vue de châteaux et divers monuments historiques l’entourent.
Grâce à ses expériences variées, Willy a une richesse multiculturelle. Extraverti et enjoué au Gabon, il est devenu calme et discret en France. Aujourd’hui il souhaite transmettre à ses enfants un peu de cette double culture qu’il possède.
Type d’objet : Panier et petite corbeille Punu
Matériau : Osier
Provenance : Sud du Gabon
Date : Inconnue
« Ce long panier est appelé ponji en langue Yipunu. C'est un panier des champs. Dans les villages, les femmes utilisent des paniers pour ramener des vivres des champs. Ma grand-mère en possédait. On le porte habituellement par le front à l'aide d'une anse. Ce type de panier est typique de l'artisanat réalisé par l'ethnie Punu du sud du Gabon. »
Type d’objet : Pagnes
Matériau : Wax
Provenance : Gabon
Date : Inconnue
« Le tissu wax a plusieurs usages. Il est utilisé pour coudre des vêtements ou pour porter les enfants au dos. On peut également juste l'attacher autour de la taille, au niveau du cou, au-dessus de la poitrine. Dans les villages, on le porte lors des cérémonies traditionnelles. »
Type d’objet : Mortier et pilon
Matériau : Bois
Provenance : Gabon
Date : Inconnue
« Le mortier et le pilon sont des ustensiles de cuisine aux matériaux et formes variés. On l'utilise pour broyer des aliments, et au Gabon principalement pour piler la banane plantain, les tubercules, l'igname et d'autres aliments de la même famille pour en faire des boulettes. »
Type d’objet : Bouteilles d'Anjou Coteaux
Matériau : Verre
Provenance : Vendée
Date : 2007 et 2018
« La Trouspinette est un vin cuit que chacun fabrique dans sa cave en Vendée. C'est un symbole gustatif de la région, quand on adopte une culture, on en adopte aussi les symboles. »
De tous ces lieux parcourus, l’on retient principalement les rencontres, les interactions et le partage qui en ont découlé. De là, s’articulent des processus de constructions, qu’il s’agisse d’une quête identitaire, d’une famille, ou d’un renouement avec ses racines, le contact humain est au cœur de la représentation spatiale. Pour Patricia, Patrick et Marine, cette dimension est particulièrement marquée.
Par la suite, d’aucun rattachent les sites dans lesquels ils se sont vus s’épanouir, aux cinq sens qui restent gravés dans leurs mémoires. Pour Anne et Willy notamment, l’atmosphère, la luminosité, et les pratiques liées au patrimoine culturel immatériel sont des éléments indissociables des lieux qui ont scandé leurs parcours.
Ainsi, par l’acquisition d’artisanat, par la création artistique ou la simple accumulation d’objets, symboles et memento mori, ces espaces vécus trouvent un certain écho dans la vie quotidienne des Hommes. Ces quelques bribes de vie ont soigneusement été sélectionnées par Marine, Anne, Willy, Patricia et Patrick et nous permettent, non sans émotion, de traduire l’affection qu’ils portent aux lieux et aux hommes qui les ont marqués.
Ariane Dieth, Julie Maudet, Kinny Mabamba, Lucas Mercier et Nicolas Rousseau ont été accompagné·es par Ambre Vilain, enseignante en Histoire de l’art médiéval.
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